Si vous allez sur l'onglet "Aéromodélisme/Oldies but goodies", vous pourrez découvrir le planeur Epervier, hybridation d'ailes et stabs d'origine BLS sur un fuselage Multiplex, et ce planeur fut pour moi, dans les années quatre-vingt, le modèle qui me fit passer du stade de pilote débutant à celui de modéliste adulte… J'ai pratiquement tout appris en matière de pilotage et de réglages de planeurs avec lui. Je vous engage à lire pour commencer cet article que j'avais rédigé pour RCM et qui a été publié en janvier 1988.
Depuis longtemps, l'envie de retrouver ce planeur "magique" me travaillait, et entre 2019 et 2024, les planètes se sont alignées pour retrouver les éléments permettant de refaire un Epervier : des ailes de Gerfaut BLS pratiquement neuves, un fuselage à remettre en état de Flamingo (1ère version) de Multiplex, puis un fuselage et une verrière complètement neufs… A l'automne 2024, je pus me mettre au travail sur ce projet de planeur "vintage". Pourtant, avec ce fuseau si profilé et ses ailes en fibre, et sa configuration "quadro-flaps", on a peine à imaginer qu'il s'agit d'un "plus de 40 ans" ! Seuls le museau pointu et la dérive en flèche accusent son âge, puisque les nez sont plus ronds depuis longtemps et les dérives sont plus verticales de nos jours.
Un message sur "Messenger" de Roger Aubard, que j'ai croisé à maintes reprises quand je couvrais les compétitions de durée-vitesse pour RCM ou Fly, me dit :
Celà t'intéresse t il ?"
Et deux photos viennent accompagner cette proposition... Roger a visiblement dû lire mon article sur l'Epervervier sur ce site et là, il lance l'affaire...
Grâce à un heureux concours de circonstances, Roger part quelques jours après pour la Coupe des Barons à Sainte Marie d'Alloix, et François Richard qui est comme moi au club de Massilly y va aussi… Le transport est tout trouvé, l'affaire conclue (un immense merci à Roger) et dans ma tête trottent les idées… Trouver des ailes de Gerfaut BLS en pas trop mauvais état ? Une mission qui semble quasi impossible. Refaire des ailes en expansé coffré ? Il suffirait de commander des noyaux à Pierre Gonnet (PG Modélisme)…
En tout cas, c'est clair, je me dois de refaire un Epervier… Pour le souvenir de cette merveilleuse machine, mais aussi en mémoire de mon "Mentor" à qui je dois tant, Jean-Claude
Lafitte, qui est le père de cet "hybride". Je ne sais hélas pas ce qu'il est devenu, car l'Aérospatiale "Engins Tactiques" de Châtillon n'existe plus depuis longtemps, il a fatalement été
muté, sans doute vers le Petit Clamart dans un premier temps, mais ensuite… avec les multiples fusions avec Matra et MBB, j'ai perdu la trace de mes anciens collègues de bureau d'étude. De plus, les
années passant, il a été en retraite bien avant moi… Si quelqu'un a des infos qui me permettraient de le recontacter, je serais très heureux… Appel lancé !
Ainsi, un fuselage de Flamingo, version initiale à museau bien pointu, arriva dans mon atelier. Oui, il avait besoin de pas mal de travail pour devenir un Epervier, mais c'était faisable. Il allait falloir réussir à vider les platines dans le fuselage pour en faire de nouvelles adaptées aux équipements modernes, reboucher de très nombreuses ouvertures qui avaient été pratiquées sur le dessus, le flanc et même le dessous avec une fente de crochet de remorquage particulièrement large. L'état des perçages des emplantures n'était pas un problème, puisque de toute façon, pour adapter les ailes à profil FX 60-126 de 230 mm de corde, il était impératif de coller de fausses nervures. Et donc, les nouveaux "trous" seraient faits sur ces fausses nervures. Mais bon, il faudrait faire de la fibre quand même et bien remastiquer la bête. A l'arrière, il faudrait ouvrir la dérive pour réinstaller un palonnier de profondeur, celui-ci ayant disparu.
Et bien sûr, il faudrait trouver une verrière…
Mais voilà, la première pierre était là, et la ferme intention de revoler en Epervier aussi. Mais il a fallu passer les "années COVID", durant lesquelles bien peu de rencontres purent avoir lieu, et donc, avec peu d'opportunités de trouver les éléments manquants…
La période COVID se calmant, les rencontres reprennent, les causeries aussi… J'apprends que Pierre Gonnet (PG Modélisme à Pierrelatte) aurait récupéré des moules intéressants, dont ceux des ailes du Gerfaut. On en parle, le projet Epervier est évoqué, mais à ce moment, je suis pas mal occupé et Pierre aussi, il n'a guère le temps de fabriquer des ailes à la mode BLS, faites de noyaux de polystyrène placés dans un moule avec des peaux stratifiées en fibre après pose d'un gelcoat… De plus, il faudrait retrouver le mode de pose des nervures et l'outillage pour percer après moulage les trous des fourreaux de clés… Mais c'est une piste et si ce n'est pour tout de suite, on retient cette possibilité pour plus tard. De plus, Pierre a sans doute des possibilités pour la bulle du Flamingo… Et puis, il y a toujours la solution, moins "fidèle" à l'Epervier original, mais qui volerait quand même parfaitement, de découpe de noyaux à coffrer balsa ou obechi… Bref, en 2023, je cogite sec, mais je ne suis pas encore prêt…
Nous sommes le week-end de l'Ascension sur la pente Nord de Mâcon, c'est la rencontre annuelle de vol de pente organisée par l'AMCVS. Comme toujours, il y a çà et là des modèles avec des étiquettes "à vendre"… Mais cette fois, les Frères Berthier ont déposé un lot de modèles et de boîtes sur l'herbe du parking et une boîte possède une étiquette au bleu reconnaissable entre mille… Un kit BLS… Et c'est un Gerfaut ! Et là, c'est la révélation : un fuselage quasi neuf, le stab en fibre, et surtout mon Saint Graal : une paire d'ailes quasi neuves de Gerfaut, qui n'ont peut-être même jamais volé… Juste un tout petit enfoncement sur un bord d'attaque près d’une emplanture et c'est tout… Le gelcoat a jauni, certes, mais c'est exactement ce qu'il me faut ! En trente secondes, je me décide, car il ne restera pas longtemps si j'hésite. Affaire vite conclue avec les "frangins" qui en plus me font un prix d'ami ! Cette fois, je ne peux plus reculer. Je vais me retrouver avec un fuseau et un stab inutiles, mais… ils intéressent l'ami François Richard, celui-là même qui avait assuré le rapatriement du fuselage de Flamingo… Donc, nous sommes plusieurs à trouver notre bonheur ce jour-là.
Et pour couronner le tout, Pierre Gonnet qui est présent m'annonce avoir non seulement une verrière de Flamingo, mais aussi… Un fuselage absolument neuf ! En fait, un kit commencé il y a des dizaines d'années, mais jamais terminé… Mais ça, c'est à Pierrelatte, pas sur la pente !
Il faudra attendre septembre pour que Pierre et moi puissions faire coïncider nos agendas et que je fasse l'aller-retour entre la Bresse et la Drôme et que je revienne avec donc un second fuselage et sa bulle, plus des babioles pour occuper l'hiver 2024-2025 une fois l'Epervier terminé.
Donc, pour résumer, j'ai maintenant 2 fuselages de Flamingo Multiplex, une bulle d'origine, et une paire d'ailes de gerfaut BLS. Il ne manquerait pour être parfait que le stab de Djinn… Mais déjà dans les années quatre-vingt, pour mon Epervier 02, j'avais fabriqué mon stab en calquant la vue en plan sur celui du 01 de JCL et en contrecollant deux planchettes de balsa plume… Il me reste à faire de même en 2024.
Voilà donc posée sur le plan de travail la base de l'Epervier 03… Si j'ai une planchette de contreplaqué issue du kit de Flamingo pour les platines radio, ainsi que la gouverne de direction d'origine, les deux nervures que l'on voit en bas sont le profil exact des ailes de Gerfaut, calquées, scannées, modélisées et découpées avec mon petit laser. Ce sera la base pour modifier les raccords ailes-fuselage... Le premier travail à faire pour transformer un Flamingo en Epervier.
20 septembre 2024, après l'assemblage "à la chaîne" de trois mousses (le T-28 et le Typhoon de FMS et le Norden de Kavan), me voilà bien décidé à réaliser ce vieux rêve… Et donc, le premier travail sera de modifier le fuselage pour adapter les ailes de Gerfaut à profil Wortmann FX60-126 sur des emplantures prévues à l'origine pour un Eppler 193… La corde est aussi un peu plus forte, à savoir 230 mm.
Dans un premier temps, j'ai entré dans mon logiciel CAO le "vrai" FX60-126, à 230 mm de corde. Mais par acquit de conscience, j'ai peint l'emplanture d'une aile BLS et l'ai vite plaquée sur une planchette de balsa tendre, pour en avoir une copie. J'ai scanné la planchette et j'ai comparé avec le 60-126 théorique… Et là, j'ai pu constater que les deux profils ne se superposaient pas vraiment… Par endroits, il y avait jusqu'à 2 mm d'écart. Assurément, la CAO n'était pas encore de mise et le 60-126 de BLS avait sans doute été tracé à la main… Il marchait très bien, mais était tout sauf exact, même pour ces ailes en fibre !
Comme les ailes ne peuvent être modifiées, ce sont elles qui feront foi et j'ai retracé informatiquement le profil BLS dans Fusion 360 et j'ai pu ainsi couper deux nervures en contreplaqué de 3 mm à coller contre les emplantures du fuselage. Les trous pour les clés d'ailes, celui pour le crochet de l'élastique y sont prévus.
Il reste à bien positionner ces nervures, symétriques d'une part, mais aussi avec le bon calage. J'ai réalisé un bâti pour tenir le fuselage bien droit. Avec des cales, je peux positionner le fuseau bien horizontal et avoir le profil d'aile calé à 1,5°, quand le stab sera à 0°. Un autre gabarit maintient la dérive parfaitement verticale. C'est alors que je découvre que le fuselage neuf est vrillé : la dérive verticale, les deux emplantures ne sont pas de niveau… A-t-il été démoulé trop vite 40 ans plus tôt, ou est-ce le temps passé stocké qui a introduit ce vrillage ? Impossible à savoir, mais pour rectifier, j'ai prudemment chauffé toute la poutre arrière avec un décapeur thermique et j'ai contraint le fuselage pour le ramener pratiquement droit et j'ai laissé refroidir… En deux ou trois fois, j'ai obtenu un résultat à peu près convenable. Je pouvais alors percer les emplantures grâce à mon gabarit, puis coller les deux nervures. Il restait à combler les espaces entre le fuselage et ces nervures pour refaire des karmans adaptés aux nouvelles emplantures. J'ai commencé à l'époxy fortement chargée de microbilles de verre, et pour la finition, mastic polyester (syntofer). C'est un peu long, car après chaque ponçage, on trouve des zones à retoucher, donc à recharger de mastic, puis à reponcer, de plus en plus finement jusqu'à ce que le résultat me convienne (certains feraient bien mieux que moi, mais la limite est directement liée à ma patience, qui est assez limitée je l'avoue.).
Ce qui avait bien marché dans les années quatre-vingts doit encore marcher au XXIe siècle… Deux épaisseurs de balsa plume contrecollées en emprisonnant les tubes pour les clés de stab, et une grosse séance de rabotage et de ponçage et hop, deux demi-stabs ! J'ai quand même ajouté une nervure d'emplanture en contreplaqué. Ainsi, je peux faire un premier montage du plus gros de la cellule et me prendre déjà à rêver que je le vois voler…
Ici, la dérive est celle d'origine du Flamingo, telle qu'elle était sur l'Epervier 01 lors de ses premiers vols. Je vais la modifier pour l'élargir, comme nous l'avions fait à l'époque.
Pour le baquet, j'ai simplement utilisé les pièces prévues dans le kit du Flamingo. J’ai toutefois ajouté des baguettes latérales pour donner plus de prise au collage de la bulle et ai ajouté des raidisseurs par en dessous.
Après avoir peint le baquet, il a fallu découper la verrière, ce qui fait partie des "moments de solitude"… En effet, le plastique a ses 40 ans et il a durci et est devenu fragile, cassant. Je m'en rends compte lors des premières découpes d'ébauche que je tente avec des ciseaux… Ne pas insister ! C'est au disque à tronçonner que je continue le travail en sachant que je n'ai pas le droit à l'erreur : retrouver une autre bulle de Flamingo d'origine, avec ce bleu si caractéristique des verrières Multiplex de l'époque est mission quasi impossible…
Mais bon, c'est fait, la bulle est collée, et je pose un verrou à glissière à l'arrière de l’ouverture du fuselage, c'est conforme à ce qui se faisait à l'époque.
Le système pendulaire pour le stab est installé dans la dérive avec la commande e profondeur dans sa gaine, il est l'heure de refermer la dérive. Je façonne une baguette de balsa et hop, collage à l'époxy.
C'est l'heure de passer le fuselage en peinture. Il est d'abord décapé à l'alcool à brûler, puis poncé avec un papier de verre à grain fin, et enfin, totalement nettoyé au diluant synthétique. Ensuite, il recevra deux couches de primaire blanc, puis deux couches fines de peinture blanche satinée.
Le stab est entoilé au film thermorétractable.
La dérive d'origine a été modifiée en collant à l'avant une planchette de balsa pour gagner 2 centimètres de profondeur. A sont tour, elle est entoilée.
Je peux alors monter complètement la cellule, encore "deux axes", mais pour voir cette ligne si pure… Même si ça ne se voit que peu sur les photos, le blanc "tout neuf" du fuselage et des empennages éclate face au "blanc-jaune" des ailes… Il sera impératif de les peindre elles aussi, car la différence est trop marquée. Le gelcoat de 40 ans a bien jauni…
L'Epervier 01 était "presque" comme ça après peinture du fuselage, il avait juste la gouverne de direction entoilée en Solarfilm rouge.
C'est l'autre très grand moment de solitude dans la fabrication de l'Epervier… Ces ailes moulées en fibre, il faut "tailler dedans"… Et il est interdit de se rater, car là encore, la probabilité d'en trouver d'autres est infime, du moins en bon état.
Si vous lisez l'article publié dans RCM en 1988, j'y décris toutes les variantes d'ailes qui ont été essayées sur les Epervier 01 et 02.
La version "finale" à l'époque était dotée de flapperons, représentant 22 % de la corde à l'emplanture et 28 % de la corde côté saumon.
C'est cette géométrie que je vais retenir pour le 03, à un détail près, ce ne seront plus des flapperons, mais des quadro-flaps. J'avais essayé cette solution à l'époque, avant les flapperons, mais les possibilités de mixage sur une Robbe Terra Top n'avaient rien à voir avec ce qui est possible de nos jours avec nos radios programmables…
Donc, la géométrie est connue, il y a juste une coupe de plus à faire et elle sera pile au milieu de la gouverne de l'époque.
Ainsi, je pourrais avoir mes phases de vol habituelles variant la courbure de l'aile, mais aussi des "crocos" pour faciliter l'atterrissage. Le débattement des volets vers le bas ne sera pas aussi fort que sur les modèles actuels, ça obligerait à faire une fente bien trop large à l'intrados, mais ce sera plus agréable que les flapperons relevés de l'époque, qui restaient un tantinet brutaux…
Bref, il faut tracer et couper ailerons et volets. Il se trouve qu'il y a plus de 40 ans, mes parents m'avaient offert une scie à chantourner vibrante "Abarel", utilisant des lames super fines. C'est avec cet outil que je coupais les gouvernes sur les ailes de gerfaut à l'époque. Et il se trouve aussi que cette scie, je l'ai toujours, qu'elle fonctionne parfaitement, et donc, c'est avec la même machine que je vais couper mes gouvernes en 2024… Etonnant, non ?
Un réglet métallique de plus d'un mètre est scotché sur l'aile pour guider la lame et hop… En quelques minutes, l'affaire est entendue. Le plus délicat est de recouper les biseaux à l'avant des gouvernes. Je colle des cales sur la scie et ça se passe bien.
Il reste à refermer les chants en polystyrène sur l'aile et sur les ailerons et volets, ce que je fais comme à l'époque avec du tissu de verre et de la résine époxy. Ouf, le plus dur est fait !
Pour les volets, j'ai choisi les Kavan GO13MG (13 grammes analogiques). Les ailerons seront actionnés par des Kavan GO09MG, qui sont des 9 grammes digitaux. Au passage, les servos de profondeur et de direction qui iront à l'avant du fuselage seront des Robbe FS300, format un peu plus petit que des standards, mais digitaux et avec un couple "qui va bien". Le récepteur prévu est un Jeti Duplex Rex6 Assist (avec gyros et alti-vario intégrés).
L'équipement radio choisi
Il va falloir installer des servos pour les volets et pour les ailerons.
Pour installer les servos dans les ailes, j'ai conçu des boîtiers maison sous Fusion 360, et je les ai imprimés 3D en PLA blanc. Il me faut creuser des puits sous les ailes pour installer ces
boîtiers et il faut aussi percer le passage des fils. Si passer les deux nervures peut se faire avec un foret de 5 mm "série longue", pour aller jusqu'au puits du servo d'aileron, il faut
fabriquer un trépan en affûtant un tube laiton de 5 mm, que l’on monte dans le mandrin de la perceuse et ensuite… Il faut viser juste en deux dimensions… Finalement, ça s'est bien
passé !
Les fils des servos ont été rallongés, les fils passés dans les ailes avant de faire les soudures, en les tirant à l'aide d'une gaine de commande en plastique de 2 mm.
La découpe des puits de servos a été réalisée avec un disque à tronçonner, et terminée avec un ciseau à bois et une petite meule pour aplatir le plan de pose des boîtiers.
Les boîtiers ont été collés à l'époxy.
Avant de finaliser la pose des servos et du reste des commandes et de la réception, il est impératif de repeindre les ailes et leurs gouvernes, le gelcoat ayant fortement jauni avec les années.
Avant, il faut les débarrasser du démoulant qui les recouvre, car malgré 40 ans de stockage, il est toujours là et il empêcherait une bonne adhérence de la peinture. Alors, j'y suis allé à
l'alcool à brûler, au diluant synthétique, et j'ai même passé un papier de verre très fin sur toutes les surfaces pour garantir l'accroche.
Ensuite, deux couches de primaire blanc en bombe, et une couche finale de blanc satiné. Ouf, voilà les ailes d'un beau blanc, comme le fuselage.
Pour le décor, j’ai fait simple, mais qui donne un peu de contraste avec des décors découpés en vinyle adhésif bleu, rouge et gros foncé.
Les lettres "JCL" sur la gouverne de direction ne sont pas une erreur… Oui, moi, c'est JLC, mais mon mentor, Jean-Claude Lafitte, c'était JCL et je lui dédie ce planeur. Les personnes m'ayant aussi permis la réalisation de ce projet sont également citées sur le bas de la gouverne de direction.
La cellule est terminée, il reste à finir de l'équiper. Je commence par le fuselage, qui recevra le récepteur, deux servo et la batterie de réception.
Pour le récepteur, je vais monter un Jeti Rex 6 Assist, qui dispose de Gyros 3 axes, d'accéléromètres 3 axes et d'un capteur altimètre-variomètre. Je pourrais ainsi avoir un mode "gyros coupés", un mode de stabilisation standard pour atténuer les turbulences, et un mode limitant les inclinaisons en roulis (15°) et tangage (5° à cabrer, 15° à piquer) qui me sert uniquement quand je lance seul le planeur en conditions turbulentes. Cela permet au planeur de s'auto stabiliser durant les deux secondes nécessaires à ce que les mains reviennent sur les manches. Pour cela, il faut que le récepteur soit positionné avec précision et donc, je lui ai installé une platine séparée, positionnée à l'aide d'un niveau électronique, sur les deux axes.
J'ai aussi modélisé et imprimé 3D un terminal de connexion pour les servos des volets et des ailerons, qui facilite le branchement, sans gêner la fermeture de la bulle.
Enfin, l'alimentation a été confiée à deux éléments LiIon 3100 mAh que m'a offert Pascal Cepeda, qui donneront une belle autonomie. Il y a 40 ans, je volais avec 4 éléments NiCd de 1200 mAh, pour alimenter jusqu'à 7 servos… Ici, il n'y en a que 6, mais 4 sont digitaux. La régulation est confiée à un RoBec 8A Robbe, réglé sur 6 volts.
Il reste à finir le montage des servos dans les ailes. J'ai conçu des guignols spéciaux, imprimés 3D, qui s'encastrent dans les volets et les ailerons. Ils sont collés à l'époxy. Les fils des servos
sont coupés et resoudés à chaque extrémité des rallonges mises en place, puis, les boîtiers de servos sont collés à leur tour. Il reste à faire les commandes des ailerons et des volets avec des kwick
links en 2 mm. Chape vissée d'un côté, pli en L de l'autre avec verrou plastique. Cette fois, l'Epervier 03 est terminé, il n'y a plus qu'à programmer la radio et faire le centrage en ajoutant
du lest dans le nez.
Le centrage, j'avais encore en tête, sans même avoir besoin de relire ma vielle prose, qu'il devait être à 37 % de la corde moyenne et compte tenu de la répartition des flèches au BA et au BF, c'est aussi 37 % à l'emplanture, soit 85 mm. J'ai bien sûr dû ajouter du plomb dans le museau, car la batterie LiIon 3100 mAh 2S ne suffit pas.
Pour les débattements, avec les quadro flaps, j'ai improvisé et les 40 années à régler des planeurs aidants, c'est au pif et à l'œil que j'ai réglé tout ça…
Avec nos radios modernes, il est clair que les réglages et fonctions de télémétrie peuvent être bien plus nombreux et plus fins qu'à l'époque ou j'avais tenté le quadro flaps avec ma Terra Top !
J'ai donc :
Pour ce modèle, je ne vous mets pas mon tableau habituel, avec les valeurs précises et détaillées, car il est très peu probable que vous fassiez le même…
Avant de partir voler, il reste à faire quelques photos statiques.
Une fois l'Epervier 03 terminé, réglé, prêt à évoluer dans son élément, il m'a fallu patienter en rongeant mon frein pratiquement 3 semaines durant, avant qu'un créneau météo favorable se présente. Je voulais une journée avec un vent de nord moyen, régulier, sans trop de pompes et dégueulantes, afin de ne prendre aucun risque avec "mon précieux". Toutefois, je triche un tout petit peu en l'emmenant à Massilly un jour sans vent, et je fais trois "lancés main", juste histoire de faire un premier réglage du trim de profondeur. Visiblement, ça se passe bien, et en roulis, je n'a pas besoin de trim. C'est de bon augure.
C'est le 14 novembre 2024 que l'occasion s'est enfin présentée. Hélas, Cécile n'était pas disponible et donc, je n'avais pas ma photographe avec moi. J'ai tout de même pris le matériel photo avec un pied, pour tenter quelques prises de vues en vol, histoire d'immortaliser cette première séance. Et encore, je n’ai pas fait d'images durant le tout premier vol, afin de garder toute ma concentration pour bien lancer, et soigner les premiers réglages essentiels, à savoir les trims pour chaque phase de vol et la compensation crocos-profondeur, tous gages d'un premier atterrissage dans de bonnes conditions. Toutefois, la photo avant le 1er lancer s'imposait. Pied photo et retardateur ont permis de faire.
La radio est sous tension, j'ai contrôlé et recontrôlé les débattements, leur sens surtout… Pour un premier lancé, pas de gyro activé, car j'ignore si le réglage de gain est bon, et donc, il faudra
attendre pour le commuter une fois en vol.
Me voilà face au trou, l'Epervier 03 à bout de bras, comme à Beynes il y a bien longtemps avec le 02… La différence, pour le premier vol du 02, il y avait Jean-Claude Lafitte pour tenir l'émetteur et me le trimer avant de me le passer. J'ai encore ce souvenir d'avoir demandé sans doute trop de fois à mon gourou s'il était sûr que je pouvais lancer… Il devait avoir envie de me mettre un bon coup de pied au C.… J'ai finalement lancé et j'ai vu partir l'Epervier 02 parfaitement à plat, bien droit, et s'éloigner tranquillement de la pentounette de Beynes… Ce devait être celle sous le val des 4 pignons. Après quelques secondes qui m'avaient paru une éternité, je demandais à JC : "Alors, comment il vole ?". La réponse a été brève : "Tout seul, regarde…".
En me retournant, j'ai vu mon mentor qui me montrait l'émetteur, manches lâchés… Effectivement, l'Epervier volait bien tout seul ! Trois minutes plus tard, je me retrouvais avec l'émetteur en mains et je savais alors qu'il me faudrait m'occuper de l'atterrissage, car Jean-Claude serait alors aux commandes d'un de ses modèles…
C'est avec ce souvenir que je pointe le 03 le museau vers la Roche de Solutré… Le trou est bien plus profond, et dessous, c'est soit les buis, soit les vignes, au choix ! Allez hop, une grande respiration, une bonne poussée et… la même image devant les yeux, l'Epervier 03 part tout droit et même prend immédiatement de la hauteur, il n'y a pas grand-chose à faire… Cette fois, j'ai 25 ans, c'est sûr !
Ce premier vol va durer une demi-heure. Je vais régler mes trims avec soin pour que la vitesse soit bien adaptée à chaque phase de vol. Je vais ensuite tester mes crocos, et régler la compensation
profondeur, pour que dès le premier atterrissage, ce soit "confortable".
Je note qu'en roulis, je n'ai pas dépassé un cran de trim aux ailerons, ce qui est top, les ailes sont bien, elles n'ont pas bougé avec le temps, BLS avait bien travaillé !
Mes préréglages pour les phases de vol et les mixages s'avèrent parfaits dès le début, l'expérience, ça aide bien.
Il n'y a que les expos que je vais légèrement modifier avant le second vol.
Le centrage à 37 % est lui aussi parfait, rien à retoucher… Normal, c'est le même planeur qu'il y a 40 ans, il n'y a aucune raison que le centrage qui était le bon alors ne le soit pas maintenant.
Tout ceci réglé ou vérifié, je passe mes premières figures de voltige et je retrouve cette polyvalence de l'Epervier, qui peut gratter, filer avec un beau badin ou voltiger allègrement… Comme à l'époque, aucun risque de bloquer en vol dos lors d'un tonneau, il accélère le roulis dans la seconde moitié et il faut réduire l'amplitude au manche dans cette phase pour que ce soit joli (aujourd’hui, je sais le faire…).
Puisque tout est "vert", je teste le gyro. Mode normal d'abord, et la différence est nette, l'Epervier devient encore plus stable et plus pécis. Il ne bouchonne plus dans les turbulences. Les tonneaux à facettes ont des arrêts super-nets, le dièdre important ne gêne plus ! J'avais prévu deux potentiomètres pour affiner le gain en tangage et en roulis, le bon dosage est vite trouvé (je le bloquerais au retour à l'atelier pour ne pas risquer de le dérégler).
Les renversements sont top, grâce à la direction élargie, comme à l'époque.
Je passe sur les boucles, huit Cubains, retournements… c'est du gâteau.
Le vol dos n’est déjà pas si mal, mais je vais juste un peu modifier le snap-flaps après ce premier vol pour qu'il soit encore mieux…
Bref, c'est l'heure du premier posé. Circuit standard de la pente nord, retour en enroulant "le buisson"… Et je me retrouve face au vent qui est bien accéléré dans cette zone et contraint à une arrivée en lisse, un poil trop courte à mon goût… Et oui, le 60-126, c'est un profil épais qui bourre un peu, plus en tout cas que nos profils actuels… Pas besoin des croscos, donc, et ça pose propre.
Heureux !
La photo du départ a été prise (en automatique...) lors du second lancé. Pour le premier, rien ne devait me déconcentrer !
Après quelques réglages sur les expos et les snap-flaps, c'est reparti. Cette fois, j'ai le Lumix sur son pied prêt à faire des séquences d'images à raison d'une photo à la seconde... Ainsi j'espère en évoluant serré devant moi ramener quelques photos immortalisant cette première sortie de l'Epervier 03. Je vais pouvoir avoir le lancer et quelques virages devant la pente...
Une dexième demi-heure de vol va se faire sans le moindre souci, juste du grand plaisir ! L'Epervier est égal à lui-même, un planeur de loisir idéal, beau, élégant, précis, agile... La machine dont on ne se lasse pas.
Pour ceux qui s'en souviennent, j'ai conçu pour Kit Concept un planeur de taille similaire et au cahier des charges identique, le Love Love... Si le look était différent, il reprenait tout ce que nous avions pu apprendre avec l'Epervier des années plus tôt. Je crois que je n'ai jamais eu planeur avec lequel j'ai autant volé et par tous les temps que le Love-Love... Au point qu'il a fini sa carrière sur une rupture due à la fatigue des matériaux, un jour sur le terrain de Mâcon... Je le regrette toujours. Le Love Love était réussi, mais il n'a pas eu de réussite commerciale, Jit Concept savait faire les fuselages en fibre, mais pour les ailes, il fallait soit se débrouiller, soit les commander à PG Modélisme, qui lui savait parfaitement les découper et les coffrer. Mais passer par deux fourniseurs n'était pas viable commercialement...
Bref, après l'Epervier, il me reste à pouvoir refaire voler un Love Love... Peut-être un jour, qui sait ?
Lors du second vol, le vol dos étant maintenant correct (avec un 60-126... grâce à la phase voltige avec volets et ailerons relevés, et un snap-flap bien réglé), je me demande si la boucle inverse peut passer. Il y a 40 ans, je n'avais pas dû l'oser... Jean-Claude, si, bien entendu !
J'ai commencé par laisser accélérer en léger piqué sur le dos et j'ai poussé franchement... Et la remontée a été sans problème. Donc, il ne restait plus qu'à la faire, cette boucle inverse... Badin moyen sur le ventre, assez haut, phase voltige engagée, je pouoouuuusssseee, mais pas trop, pour laisser bien accélérer en bas et hop voilà déjà la remontée dos... Et ça revient à plat sans problème, clic, phase transition en arrivant en haut. Facile en fait ! Oui, l'Epervier passe bien la boucle inverse, et je vais en faire quelques unes durant ce second vol.
Allez, il ne fait quand même pas chaud... Secont atterrissage avec le Lumix en mode "Caméra", et cette fois, je ne me fais pas avoir, j'arrive de plus haut, je peux doser les crocos et poser devant mes godasses.
Allez, ça suffit, il est l'heure de rentrer avec des images dans les yeux, qui se mèlent aux souvenirs. Je pense à mon mentor, qui m'a tant appris et qui sans le savoir ou le vouloir m'a donné les armes pour mon changement radical de carrière, quittant le bureau d'étude du département propulsion des engins tactiques de l'Aérospatiale pour devenir rédacteur en chef de magazine d'aéromodélisme... Looping, une nouvelle aventure puis FLY... Tout cela découle de ce que Jean-Claude m'a enseigné. Comme j'aimerais savoir ce qu'il est devenu...
Ci-dessous, les photos prises par le Lumix en mode automatique.
Promis, dès que possible, Cécile et moi remonterons en pente nord pour une vraie séance photos qui viendront compléter cet article.
En plus des photos, le Lumix a aussi filmé "tout seul"
quelques séquences, dont le second atterrissage.
Là encore, dès quèe possible, nous filmerons l'Epervier
dans de meilleures conditions !
Revenez voir cette page de temps en temps !
Voilà… Un rêve qui me trottait dans la tête depuis tant d'année s'est réalisé. J'ai de nouveau un Epervier, il est aussi beau que dans mon souvenir, il vole non seulement aussi bien, mais même mieux, grâce aux progrès de nos ensembles radio, et peut-être aussi du fait de plus de 40 ans à prendre de l'expérience pour le pilote…
Il ne sera pas un "planeur de tous les jours", car il représente tant à mes yeux que je ne vais pas prendre de risques avec lui. Il volera quand les conditions sont bonnes, et quand il n'y aura pas trop de monde en l'air, et surtout pas en même temps que des pilotes qui envoient du lourd sans regarder devant eux… Il y en a, et j'en ai trop souvent fait les frais…
Je vous souhaite à vous aussi de retrouver vos jeunes années en refaisant voler des modèles qui vous ont marqués…
A bientôt sur ces pages, mais aussi sur les pentes et les terrains, je n'ai pas fini de voler et surtout pas fini d'apprendre !
Je tiens tout particulièrement à remercier les personnes qui m'ont permis de construire 40 ans plus tard un Epervier, grâce aux éléments d'origine indispensables.
Et bien sûr, Jean-Claude Lafitte, mon mentor, dont j'ai hélas perdu la trace, et à qui je dois le plus gros de ma carrière... Si vous avez une piste pour m'aider à le contacter... N'hésitez pas à me la donner via le formulaire de contact ou via Facebook.